mardi 1 novembre 2011

Valérie Valère aurait eu 50 ans ce 1er novembre. Morte dans le désespoir à l’âge de 21 ans, cette comète de la littérature est pourtant toujours parmi nous.




Lorsque l’on désire s’imprégner de l’univers mental d’un écrivain ou, plus audacieusement, s’y abandonner, deux possibilités s’offrent à nous : lire les ouvrages qui constituent sa bibliographie (cela va sans dire) et s’immerger dans les biographies existantes, pour peu qu’elles soient le plus possible fidèles à la réalité et à la vérité de l’auteur en question. C’est le cas de celle d’Isabelle Clerc consacrée à la romancière anorexique Valérie Valère morte en 1982 à l’âge de 21 ans (parue en édition brochée en 1987 à la Librairie académique Perrin, rééditée en 2001 chez le même éditeur avec une nouvelle préface d’un Patrick Poivre d’Arvor très concerné par le sujet, amoureux du style littéraire de Valérie Valère et ayant perdu sa fille suite à une anorexie elle aussi jamais vaincue. L'ouvrage est aussi disponible en une jolie édition reliée réalisée par l’éditeur France Loisirs, à privilégier si l'on aime les beaux livres). 

UNE BIOGRAPHIE INSPIRÉE  Même si elle ne fait pas l’économie de quelques imprécisions, la biographie d’Isabelle Clerc reste fascinante par son pouvoir d’évocation et par sa capacité à faire revivre la romancière météore. La biographe parvenant à nous faire vivre et surtout ressentir, autant que cela soit possible, l’univers mental de la romancière, ses déambulations dans la France post Trente glorieuses de la fin des années 70, et son mal de vivre constant. Par ce procédé astucieux l’on se sent rapidement proche de Valérie Valère et de son destin tragique, cette sensation étant encore renforcée par la présence d’un cahier de dix photos noir et blanc où Valérie Valère nous apparaît en chair et en os, dans toute sa beauté ténébreuse et dans tout son désarroi, intégralement habillée de vêtements sombres. Un des portraits reste extrêmement troublant. La romancière semble nous fixer du regard et nous interpeller, ou nous juger : elle ne sourit pas mais expose son visage à l’objectif telle une madone déchue, pour ce qui fut probablement sa dernière séance photo. Avec les années passées ce cliché a gagné en puissance d’évocation, et demeure plus que jamais totalement bouleversant (voir la dernière photo en fin de chronique). En réfléchissant à la vie de Valérie l’on constate qu’au moins trois écueils infranchissables ont eu raison d’elle : le traumatisme lié à son enfermement à l’âge de 13 ans et pendant quatre longs mois dans un hôpital psychiatrique pour enfants suite à son problème d’anorexie (à une époque où le sujet de l’anorexie mentale n’était pas encore à la mode dans les médias et même plutôt tabou), son attirance/répulsion sans issue vis à vis de sa mère, et enfin le carcan étouffant de « romancière marginale et désespérée » dans lequel elle s’enferma trop longtemps pour finalement ne plus pouvoir en sortir. 

UN DESTIN FULGURANT, DE L’ÉCOLE DU CIRQUE (ET DE LA COMÉDIE) AU ROMAN  Valérie Valère devint en 1978 la coqueluche des médias littéraires en publiant à 17 ans Le Pavillon des enfants fous qui relatait son séjour hospitalier vécu deux ans auparavant. Certains journalistes n’hésitèrent pas pour l’occasion à parler de « nouveau Rimbaud ». Dans un style alerte, d’apparence simple mais finalement très maîtrisé et où l’humour n’est pas absent, Valérie parvient à rendre palpable le désarroi qui fut le sien durant cette pénible période de sa courte vie. Le ressentiment contre sa mère, puis l’institution médicale censée la soigner est parfaitement rendu, particulièrement réaliste, et la romancière de 16 ans parvient à rendre son lecteur complice et surtout, solidaire. Elle y règle ses comptes vis-à-vis de sa famille. Elle est née sans être désirée, mise au monde par une mère qui sera souvent dure avec elle, lui reprochant notamment d’être une petite fille laide. Son père est inexistant pour elle, accaparé par son métier d’ingénieur et ses multiples maîtresses. Le frère aîné, de quelques années plus vieux qu’elle, est son seul complice, mais la différence d’âge se fait bientôt sentir et le garçon vit sa vie d’adolescent loin des préoccupations de la petite Valérie. A l’âge de 13 ans elle tombe dans l’anorexie mentale, et sa mère la fait hospitaliser dans un hôpital psychiatrique. Épreuves douloureuses, solitude extrême, sentiment d’abandon, dureté de la maladie qui la rend décharnée, sans forces.


LES QUATRE PREMIÈRES PAGES DU PAVILLON DES ENFANTS FOUS






En janvier 1977, un an avant la sortie de son premier livre, et trois années après ses quatre mois d'hospitalisation, Valérie Valère s’inscrit à l’école nationale du cirque, suite à la fascination qu’elle ressentit pour le travail des saltimbanques d’une petite troupe venue égayer le Noël morose des malades de l’hôpital où elle était internée. Elle a comme professeur la célèbre Annie Fratellini, la première femme de cirque Auguste (cette catégorie de clown espiègle opposé aux « clown blanc » et « contre-pitre ») qui dit plus tard d’elle : « elle avait la grâce d’un Tanagra ». Valérie choisit la spécialisation danse et funambule, options terriblement en adéquation avec le destin de cette jeune fille qui marcha perpétuellement « sur le fil », puis ne put éviter la chute. 

FUNAMBULE SUR LE FIL DU RASOIR  Son professeur de danse Nelly Rajchman la trouve à l’époque plutôt talentueuse, et très concentrée sur son travail « aérien ». Elle confiera à Isabelle Clerc avoir été impressionnée par Valérie, qui dégageait quelque chose de très fort, de très intense, même si elle avait des difficultés à s’élever, bien que particulièrement souple. « Tout ce qu'elle ne disait pas aux autres me parvenait à travers la danse. Je l’ai remise dans la vie active. Mon caractère simple, peu inquisiteur, lui suffisait ». Ironie du sort, Valérie a un jour l’opportunité de participer à une représentation pour les malades de l’hôpital psychiatrique Marcel-Rivière, lors des festivités de Noël. La boucle est bouclée. Elle est particulièrement aérienne ce jour-là, exécutant sa performance entre deux tréteaux sur un fond noir. Elle sera acclamée par le petit rassemblement de spectateurs malades meurtris. Son apprentissage du cirque lui permet de faire des rencontres enrichissantes dans le domaine des Arts, notamment des acteurs. Le metteur en scène Guy Jorré (et non Guy Joré comme il est écrit par erreur dans le livre de Clerc) cherche en vain depuis des mois la frêle jeune fille idéale pour interpréter à la télévision Pierrette, le roman d’Honoré de Balzac. Ces pérégrinations le porte jusqu'à l’école nationale du cirque où il remarque Valérie. Il confiera à Isabelle Clerc : « Elle avait quelque chose de tragique dans le regard, sans être fade. Elle était jolie, sans être apprêtée. Ce n’était pas la petite fille aux boucles faites par maman. Elle avait une incisive cassée et ce n’était pas laid. Ça sonnait juste. Elle devait avoir quatorze ou quinze ans mais ne les paraissait pas. Derrière son coté timide, rentré, on sentait une personnalité. Je l’ai vue sur le fil de fer marcher avec une grâce et un équilibre parfaits. J’ai parlé avec elle, elle savait écouter. C’était surtout moi qui parlais. Je lui ai raconté l’histoire de Pierrette. Mais il était difficile de savoir ce qu'elle pensait. J’ai mis ça sur le compte de la timidité et lui ait demandé de passer une audition ». 

On l’aura compris, Jorré engage assez rapidement Valérie Valère qui se retrouve quelques semaines plus tard en plein hiver sur le lieu du tournage du téléfilm, au cœur du massif central. Pour elle, le quotidien et sa banalité est pénible à vivre. Tout autant que la réalité d’un tournage de film, avec ses heures d’attente, ses problèmes techniques, ses incertitudes. De l’avis général des gens qui ont témoigné pour le livre de Clerc, la jeune romancière vécut très mal ce tournage, ressentant sa différence au milieu de la troupe des comédiens (peut-être même la cultivant), supportant mal aussi la familiarité lourdingue de certains techniciens. Tout en étant excellente sur le point du jeu d’acteur, elle ressentira finalement cette expérience comme une sorte d’enfermement. Un de plus dans sa vie. Un soir, conscient du malaise de sa petite protégée, Guy Jorré s’entretient avec elle en tête-à-tête, sur le ton de la confidence : « Je suis content de toi et de ton travail. Mais tu sais, c’est un milieu difficile. Dans ce métier la règle veut que les gens se jalousent. Il ne faut pas que tu te laisses atteindre par les vacheries ». Jorré sentit que quelque chose venait de se détendre à l’intérieur d’elle-même. Elle se leva reconnaissante, et lui posa un baiser sur la joue. « Sur le moment, je l’ai ressenti comme un élan. Mais il est bien possible qu'elle ait réagi de cette façon parce qu'elle ne voulait pas se laisser aller à un élan sentimental. A moins qu’elle ne se soit dit : - Mon pauvre vieux, tu n’es qu'un naïf ! ».

LE SALUT (TEMPORAIRE) PAR L’ÉCRITURE  Forte de cette expérience, Valérie Valère va participer à d’autres projets, tels Lulu de Maeterlinck au théâtre (qui lui permettra de travailler avec Jeanne Moreau) ou encore le court-métrage Équilibre de Marion Hänsel (la future réalisatrice des Noces barbares) qui, pratiquement muet, met en scène d'une manière allégorique une adolescente en permanence sur son fil de funambule qui recherche son équilibre noyée dans un monde chaotique.

Malgré tout, de plus en plus attirée par la solitaire pratique de l’écriture, elle décidera de mettre fin à cette carrière d’actrice débutante, ainsi qu’à ses activités à l’école nationale du Cirque. Annie Fratellini se rappelle : « Je l’aurais bien emmenée en tournée mais je ne la sentais pas, je ne la voyais pas rester avec nous. J’ai pensé un moment que nous pourrions la prendre en charge, pieds soudés à la piste. Elle avait tout ce qu’il fallait pour faire quelque chose d’exceptionnel… Un charme… Mais on avait l’impression qu’elle n’avait pas envie de vivre. Elle était très solitaire. Quand je lui ai proposé de s’intégrer à notre vie communautaire, elle n’est pas revenue ».

Valérie Valère passe une bonne partie de son temps à errer dans son quartier parisien, elle marche place d’Alleray, toute vêtue de noir, observant son environnement, les passants perdus, l’extrême solitude et la deshumanisation des grandes villes, déjà en cette fin des années 70. Réfugiée dans des petits bistrots elle prend des notes, souvent, dans le projet peut-être d’un journal intime ou d’une autobiographie. Isabelle Clerc nous en livre un extrait, relatant l’écrasante banalité du quotidien :


« Saucisses de Francfort et café noir… 
A déconseiller : le relais de Pforzheim, dit aussi relais d’Allemagne, place Alleray.
Musique : sirupeuse, cheap, monoprix.
Climat : courants d’air, perturbations, turbulences.
Francfort : brulées, entaillées, balafrées de chair rose.
Encombrement et pollution : maximum au-delà de la vitre. Les femmes marchent surélevées. Les hommes, fragiles dit-on depuis la vague féministe, ont le front plissés des inquiets. Derrière la vitre passent mes contemporains, lents, pressés, jeunes, vieux, paumés, résolus.
Drague : - Vous êtes tunisienne ?
- Non…
- Vous avez un petit accent !
- Ah !
- Vous êtes de Marseille ?
- …
- Vous écrivez un livre ?
- … »



Les grandes vacances arrivent, la mère de Valérie s’en va sans sa fille, qui ne veut pas partir avec elle. Restée seule dans le grand appartement bourgeois, elle rédigera, durant trois semaines de cet été 1977 caniculaire, son premier best-seller Le pavillon des enfants fous. « Ces quatre mois restaient tellement présents en moi, tellement que j’ai compris que si je ne disais pas le temps passé dans le pavillon des enfants fous, il me gênerait, s’interposerait entre moi et la vie. Il fallait que j’en sorte ! ».

Le manuscrit est envoyé chez plusieurs éditeur parisiens. Grasset la contacte, intéressé, mais désirant apporter des modifications à son texte. Refus catégorique de Valérie dont le sang, à l’instar de Cyrano, pourrait se coaguler sur le champ « …à l’idée qu’on puisse y changer une virgule ! ». C’est finalement les éditions Stock qui acceptent l’ouvrage, sans modifications. Comme je l’ai rappelé en début d'article, le livre devient rapidement un succès d’édition, et Valérie Valère la coqueluche des médias littéraires, bien qu’elle continue de mener une vie de lycéenne apparemment comme les autres. Ses camarades ne font pas le rapprochement avec cet écrivain dont tout le monde parle, la romancière Valérie Samama ayant choisi le pseudo de Valère.

Suite à ce succès qui la dépasse, elle va s’atteler durant son année de philo à un nouveau livre, écrit en deux mois, son fameux roman Malika, ou Un jour comme tous les autres, autre grand succès d’édition. Il relate l’amour entre un frère (Wilfried, 15 ans) et une sœur (Malika, 10 ans) qui vivent seuls dans un grand appartement, la mère étant décédée, et le père biznessman en permanence accaparé par ses voyages, ne les voyant que deux ou trois fois l’an pour leur remettre l’argent destiné à assurer leur subsistance. Cet amour finalement incestueux et impossible n’est jamais présenté d’une façon provocante et trash, la jeune romancière cherchant au contraire à mettre en avant la pureté des sentiments dans une société sans âme. L’histoire d’amour finira mal, on s’en doute. On peut déceler dans cet ouvrage quelques liens avec la vraie vie de la jeune romancière… N’a-t-elle pas elle aussi un grand frère âgé de quelques années de plus qu’elle, qu’elle admire, et qui représente une sorte de bouée de secours dans cet environnement familial délétère et à la dérive ?


Bernard Pivot présentateur d'Apostrophes
PASSAGE DANS APOSTROPHES Conscient de la valeur et du potentiel de cet jeune romancière hors normes, le chantre de la vulgarisation de la littérature à la télé Bernard Pivot décide de l’inviter le 27 avril 1979. A l’époque, l’émission Apostrophes, présente depuis 1975 chaque vendredi soir à 21h30 (débutant après la diffusion du feuilleton culte Les brigades du Tigre, toute une époque !) est devenue la référence des émissions littéraires sur le petit écran. Le thème de l’émission se porte sur les premiers romans et présente donc des écrivains débutants, jeunes ou plus âgés, la plus jeune étant Valérie à égalité avec Joanna Mogane invitée pour son livre Une étrangère au paradis (17 ans toutes les deux) et le plus vieux Henri Anger, 71 ans, pour son Chatte allaitant un ourson. C’est celui-ci, personnage débonnaire et bien dans sa peau, qui est interviewé le premier par Pivot durant 3 minutes puis vient le tour de Valérie Valère dont le charisme tranche furieusement avec l’intervenant précédent. Les téléspectateurs de l’époque qui virent l’émission en direct furent probablement un peu surpris de voir cette jeune fille avec cet air absent et cette tristesse flagrante, rester malgré tout affable en jouant le jeu de l’interview. Pour les admirateurs de la romancière qui comme moi visionnèrent cette émission des années après, notamment dans le but de la voir revivre en chair et en os et de découvrir le son de sa voix (je ne l’ai bizarrement pas vue à l’époque, bien qu'amateur régulier de l’émission de Pivot malgré mon jeune âge adolescent), l’émotion fut de mise et le moment solennel. Voir cette émission est aujourd'hui facile grâce au site de l’INA qui pour une somme très modique propose sa gravure sur DVD. Pour moi qui désirais voir depuis plus de 20 ans Valérie Valère sur un document vidéo, croyant la chose impossible car les chaînes de télévision ne rediffusent jamais ce genre de programme, l’instant de la découverte fut étrange et intense. La voici enfin, vivante sur cette bande vidéo, touchante, fragile, terriblement humaine, presque banale et puis, par moments, totalement singulière. Elle dit ce soir-là, en direct devant les caméras de télévision, comment elle fut perdue après son enfermement et combien il lui a fallu de temps pour enfin écrire ce qu'elle avait vécu. Combien aussi l’école du Cirque fut finalement une impasse pour elle, symbolisant la fuite de la réalité du monde « où les gens paraissent plus fous que dans un hôpital psychiatrique », au profit du monde irréel et féerique des artistes saltimbanques, des funambules, des clowns. Puis la révélation de l’écriture, fuite encore, mais qui lui convient bien mieux. 

C’est à ce moment de confidences, près de 8 minutes après le début de l’émission, que Pivot fait savoir aux téléspectateurs que la jeune romancière a aussi fait de la comédie (le fameux téléfilm Pierrette de Guy Joré mentionné plus haut), et que par un hasard extraordinaire cette fiction est diffusée au même moment sur la 1ère chaîne TF1 (pas celle, affligeante, que nous connaissons maintenant, mais celle qui n’était pas encore privatisée, et toujours imprégnée de l'excellence de la télévision publique issue de l’ORTF). Pivot demande à son réalisateur de faire, comme il dit, une « piraterie » en zappant sur TF1, et apparaissent sous nos yeux ébahis les images en direct de Pierrette, dévoilant une Valérie Valère jouant la comédie affublée de son costume d’époque. Moment curieux de télévision, surprenant la protagoniste elle-même qui semble d’ailleurs apprécier modérément la manip, peut-être par gêne de se voir en direct sur l’écran de contrôle en train de visionner l’extrait proposé par Pivot. Jeu de mise en abîme très troublant. L’interview reprend et la romancière en profite pour préciser qu’elle ne souhaite pas faire carrière non plus dans la comédie, considérant que ce monde-là fut aussi une fuite pour elle, cette féerie cachant mal une autre réalité grise dont il est mal aisé de se préserver. Pivot enchaîne les interviews des autres invités, puis revient à la 25ème minute de l’émission sur la jeune romancière pour parler plus longuement de son livre Malika. Ce qui donnera l’opportunité à son auteure de faire une description très touchante du roman et de sa finalité, laissant admiratifs ou bouleversés les autres écrivains du plateau, Henri Anger précisant que, pour lui, les deux protagonistes du livre Wilfried et Malika ne sont autres que de nouveaux Adam et Eve revisités, image qui semble enchanter la romancière en herbe. Il serait trop long de relater ici toutes les belles choses qui furent dites ce soir-là par Valérie Valère à propos de son livre, le mieux étant de se procurer et de visionner ce document télé, acte indispensable pour ceux qui s’intéressent à cette écrivain météore. Cependant, juste pour finir sur le sujet, ce moment de l’émission, que j’ai envie d’immortaliser ici : lors de l’interview de Joanna Mogane, il y a cet éclat de rire de Valérie, à la 38ème minute et 22ème seconde, en réaction à la déclaration de Joanna à propos de son propre livre, disant « qu'elle s’est retenue car elle aurait pu faire pire », éclat de rire général dans l’assistance et les invités, et puis cette caméra altruiste qui heureusement, et par hasard, capte ce moment vivifiant de 12 secondes, pas plus, magie de l’instant, où Valérie semble heureuse, détendue, allégée du poids de l’angoisse et de ses souffrances, le regard alerte, presque taquin, telle qu’on peinait à se l’imaginer.

Les retombées médiatiques de l’émission sont réelles. Augmentation du chiffre de vente du livre, alors que le premier Le pavillon des enfants fous est déjà traduit dans le monde en une dizaine de langues. Les journalistes se pressent pour rencontrer la révélation des éditions Stock, qui reçoit par ailleurs un grand nombre de lettres de fans, auxquelles elle répond. Elle vit toujours chez sa mère, qui est fière du succès de sa fille, ne réalisant apparemment pas tout le ressentiment qu’elle exprime à travers son œuvre, ou faisant croire qu’elle ne le réalise pas. Toujours les apparences à préserver, dans les familles en situation de naufrage.

OBSESSION BLANCHE, LA SOURNOISE TORTURE DE LA PAGE BLANCHE Peu de temps après son passage dans l’émission de Pivot, Valérie accepte de participer à Nuits magnétiques la célèbre émission radiophonique de Jean Couturier sur France culture. Couturier respecte profondément ses invités, et ne cherche jamais à les mettre mal à l’aise. Il pressent la gêne possible de la romancière enfermée dans un studio aseptisé face à un journaliste la questionnant. Il lui propose donc de réaliser l’interview en marchant tranquillement le long de la Seine, un vendredi de Juin. Valérie se sent en confiance et se livre dans l’apaisement. Sur Malika notamment : « Ce n’est pas mon langage. On est toujours rejeté de l’univers des enfants. C’est attirant mais on ne possède plus cet univers. Il est à jamais perdu. Je sais que l’absolu n’existe pas. Malika est un grand rêve qui finit parce que la réalité n’est pas comme ça. S’ils avaient continué leur vie, ils n’auraient pu poursuivre leur amour. Il est trop beau, trop pur ». Parmi ses autres confidences elle aborde le thème du nouveau livre qu’elle est en train d‘achever, l’histoire d’un écrivain qui n’arrive plus à écrire. Le destin cruel de Gene, jeune homme torturé par son attirance pour les hommes, et qui sombrera dans le gouffre immaculé de la page blanche. « Il est assez fou. En fin de compte, la page reste blanche. Et il rêve qu’il écrit, qu’il va devenir l’écrivain du siècle… Une fois qu’on a ce qu’on veut, c’est fini. Ce qu’on fait faire à ses personnages, on ne le fera jamais : on sait ce qui va arriver, on sait la fin de l’histoire… ». Selon Isabelle Clerc (qui eut la possibilité d’accéder aux nombreuses notes du journal de Valérie) ce long entretien sur les bords de la Seine avec Jean Lacouture marquera fortement la jeune romancière, et elle éprouvera le besoin de revoir ce journaliste atypique.   

Obsession blanche, le dernier livre que Valérie Valère publiera de son vivant en avril 1981, relate donc le calvaire intérieur d’un jeune écrivain n’ayant plus d’inspiration et dans l’impossibilité d’écrire. Peut-être joue-t-elle trop avec le feu via ce thème qui deviendra bientôt une réalité pour elle. Mais pour l’heure, elle passe son bac, atteint la majorité légale, et peut quitter sa mère pour acheter un studio rue de Buci grâce à ses droits d’auteur (je fis il y a une dizaine d’années un petit pèlerinage dans ce quartier, à la recherche de quelque chose qu’évidemment je ne pu trouver. Je suppose d’ailleurs ne pas être le seul à avoir fait cette démarche affective et mélancolique). 



LES QUATRE PREMIÈRES PAGES DE OBSESSION BLANCHE





Valérie prend donc son indépendance, qu’elle semble vivre douloureusement, s’inscrit à la Sorbonne en Lettres, mais erre souvent dans le quartier dans d’interminables marches. Elle revoit plusieurs fois Jean Lacouture avec lequel elle partage un sentiment de profonde amitié. L’écriture d’Obsession blanche lui pose plus de problèmes que ses précédents livres, le sujet de l’ouvrage étant bien trop proche de ce qu’elle est en train de vivre, à savoir une véritable crise de création, un doute profond sur l’acte d’écriture, la peur de ne plus jamais retrouver l’inspiration : « Gene ne voit défiler que le rêve inlassable d'une main qui court sur le papier en laissant derrière son passage les caractères fins et appliqués de sa propre écriture. Une écriture lente d'enfant consciencieux. Point. Il relève la tête. La feuille est vide, le rêve mort… ». 



Elle ne peut s’empêcher d’avoir recours à des médicaments qui la plongent souvent dans une sorte de léthargie délétère. Elle maigrit à nouveau, affrontant le spectre familier de l’anorexie, et fume exagérément. Un jour de juin 1980, son studio prend feu et elle est sauvée de justesse par un voisin aidé ensuite des pompiers. En automne elle est contrainte de retourner vivre chez sa mère, ce qui la replonge dans une profonde dépression. Obsession blanche sort l’année suivante mais ne remporte pas le même succès que ses deux premiers livres. Pourtant je fais partie de ceux qui pensent que c’est probablement son ouvrage le plus courageux car le plus lucide, et donc le plus dangereux (pour elle). A travers un style incisif et parfois rêche, elle fait état du néant qui guette tout créateur, peut-être tout être humain pour peu qu’il soit capable de se regarder en face. Avec ce semi-échec commercial les retombées financières sont moindres. Le grand public, effrayé par ce texte au sujet trop âpre, ne suit pas. Les journalistes se font plus rares, malgré quelques soutiens notables de vrais connaisseurs de la littérature. Ainsi Isabelle Clerc dans son livre cite un extrait de Michel Caffier de l’Est républicain : « Valérie Valère confirme qu’elle est un écrivain, et qu’il faut compter sur elle à l’avenir. Il faut qu’elle comprenne que même s’il n’est que « mensonges et apparences », le monde extérieur est source de vie, de joie et de drames. L’inspiration n’est pas seulement dans le noir de l’encrier noir. Elle est aussi dans la pluie de mars et dans le soleil du lendemain. Elle est dans le Paris passionnant et angoissant qui déborde loin de la rue de Buci ou de la rue de la Huchette. Elle est dans le regard d’autres filles de dix-neuf ans, qui ont le désarroi de l’époque ou la déprime de la génération. L’inspiration est dans le retour du printemps et des bourgeons qui craquent… ».

Jacques Chancel, le grand créateur de la mythique émission télé Le grand échiquier qui fit la part belle à la culture de 1972 à 1986, décide de l’inviter dans son autre émission, radiophonique celle-là, Radioscopie. La jeune romancière y montre une âme tourmentée par ses démons, particulièrement dépressive. « Guéri, je ne crois pas qu’on l’est jamais véritablement. C’est déjà bien que j’ai du recul… J’accuse mes parents, je les accuserai toujours… Maintenant je suis détachée du cauchemar… On arrive à prendre du recul et à vivre avec ses différences ou avec sa folie (entre guillemets) mais on ne peut pas oublier… Ma vision de la vie est pessimiste, ça je ne pourrai pas en changer, mais ce n’est pas forcement être mal, c’est aussi être très lucide… Non, je ne rêve pas d’un autre monde… ».     

Malgré tout, malgré la présence de sa mère dans le grand appartement bourgeois, comme avant, malgré l’arrêt de son DEUG de lettres, Valérie continue d’écrire, et de nombreux manuscrits seront d’ailleurs retrouvés dans ses tiroirs après sa mort. L’éditeur Christian de Bartillat les publiera de manière posthume (Laisse pleurer la pluie sur tes yeux chez Plon en 1987, Vera, Magnificia Love et pages diverses en 1992, La Station des Désespérés ou Les Couleurs de la Mort la même année, Éléonore en 1998). Magifica love est écrit en partie dans la vallée de Chevreuse à l’Abbaye de Port-Royal où la romancière s’est retirée quelques semaines. Mais elle y travaille aussi sur la troisième mouture de son testament (qui en connaitra finalement quatre). Tout est dit…

Valérie Valère décède le 17 décembre 1982, dans une petite maison qu'elle avait louée pour se reposer et essayer d’écrire, à Saint-Maur-sur-le-Loir au 3, rue de la Mairie. D’une crise cardiaque suite à l’absorption massive de médicaments (le 17, et non le 18 décembre comme il est précisé à tort dans le livre d'Isabelle Clerc). De nombreux journalistes lui rendent hommage, et soulignent la perte d’un grand écrivain pour la littérature française. Selon ses souhaits exprimés dans son dernier testament ses cendres furent jetées à la mer, sans cérémonie, et sans la présence de ses parents (qualifiés de « simples géniteurs »). Seule celle de son frère fut souhaitée. Et l'argent des droits d’auteur de ses livres fut donné aux fondations luttant contre l’anorexie. 

Le très court âge d’or créatif de Valérie Valère tient en quelques années : de 1978 à 1981. Étrange de constater que cette période correspond totalement à la fin des idéaux liés aux années 60 et 70, auxquelles vont succéder les futiles et aseptisées années 80 : les années toc, les années fric, durant lesquelles j’ai hélas passé la fin de mon adolescence dans un désarroi inévitable. En saine réaction à cette ambiance stérile et délétère sont nées, dans le domaine musical, la dark wave et cold wave anglaises, styles puissants et ténébreux de la fin des années 70, se proposant de célébrer puis d’exorciser cette noirceur pour en faire de l’Art. Quelques groupes y sont parvenus, tels les pionniers Joy divisionThe sisters of mercyGary Numan (via son groupe Tubeway army puis ses premiers disques en solo), The cassandra complex, ou encore Trisomie 21 via leur Chapter IV Remix, The Cure et leur intense Pornography, et Dead can dance avec leur inoubliable premier disque. Une innovation musicale qui a perduré avec les années, faisant naitre dans les générations suivantes de nouvelles formations originales mais respectueuses du style de leurs aînées, tel le fameux groupe flamand Whispering sons ou encore les américains de Cold cave par exemple. Si on en croit l’ouvrage d’Isabelle Clerc les goûts musicaux de Valérie Valère allaient vers les grands de la chanson française (Jacques Brel et consorts) et vers la musique planante issue des seventies (Pink floyd, Vangelis, Klaus Schulze, Tangerine dream). A priori rien à voir, donc. Pourtant, sans qu’elle ne s’en doute vraiment, son univers romanesque et ses ressentiments collaient parfaitement à l’univers torturé des groupes « de l’astre noir » nés de la fin des seventies, et des eighties. A sa manière, sans le vouloir consciemment, elle aussi a apporté sa flamme au grand bûcher des illusions perdues annoncées par cette décennie de tristesse.


CITATIONS 

« J’aurais voulu qu’une lumière éclaire ce puits noir dans lequel j’étais tombée, j’aurais voulu une seule étincelle de lumière, ne serait-ce qu’une seule étincelle de lumière… […]

Vous m’avez jeté votre monde au visage comme un seau d’eau, je ne trouverai jamais le chemin, je suis perdue. Que possèdent-ils, les gens de votre monde, à part leur univers de sexe ? Que possèdent-ils à l’intérieur d’eux-mêmes ? Je les entends parler à l’entrée des cinémas, dans les wagons du métro, dans les cafés des boulevards, et c’est de la méchanceté, des jugements mesquins, une prétention dérisoire et médiocre. Mais pourquoi vivent-ils ? Pour rien, pour faire comme on le leur a dit. Et moi dans votre monde ? Je fuis dans la tendresse des salles de cinéma, je rêve devant l’écran magique pendant les quatre séances de l’après-midi. Et dans le métro, l’éclat métallique des rails m’attire, me renverse comme quelque chose venu d’ailleurs, du plus profond de moi-même. Moi-même c’est tout ce qu'il me reste, tout ce que vous m’avez laissé. […] 

Tout m’agresse par son indifférence, je ne trouve pas la vraie raison des choses… Je suis comme eux. Je me trouve laide lorsque je me regarde dans leur miroir… Je n’arriverai jamais à me battre pour cette prostituée. (comprenez « pour la vie. »). […]

Quand on ne doute plus de ce qu’on a fait, il n’y a plus rien à dire. Quelqu’un qui écrit ne trouve jamais le vrai mot. Toute sa vie, il cherche. La tristesse est en moi mais pas comme les gens l’imaginent, quelque chose de mal qui met mal à l’aise. Pour moi, elle peut être heureuse, rendre heureux. […]

Souvent on dit comme si c’était la chose la plus précieuse au monde, la chose qu'on ne peut acheter, la chose qu'on ne peut échanger et qu’on ne peut pas vendre, souvent on dit : « Je voudrais un ami ». Un ami qui puisse tout entendre, tout comprendre, un ami qui puisse accepter même ce que je n’accepte pas en moi, un ami qui puisse devenir l’ombre de mes rêves, l’ombre de ma tendresse et aussi parfois l’ombre de mes tristesses, et je pourrais lui raconter mes histoires mais toutes mes histoires et même de ces histoires en noir et cruelles qu'on n’ose même pas se murmurer tout bas à soi-même parce qu’elles font tellement mal lorsqu'on est tout seul, solitaire avec la blessure qu’elles ouvrent à l’intérieur de vous. Souvent on dit je voudrais un ami comme on dit je voudrais la vie. […]

Je n’ai jamais cru à l’amour maternel. Je n’aurai jamais d’enfant. C’est évident qu'on va refaire les mêmes erreurs ou l’inverse. J’ai besoin d’être seule. Ce serait égoïste de vivre avec quelqu'un et de lui faire subir ses sautes d’humeur. […]

Ma mort rentrera dans votre oubli ».




Non, Valérie Valère, ta mort n’est pas rentrée dans notre oubli. 
Elle ne rentrera jamais dans notre oubli.



JOY DIVISION - ISOLATION

THE CURE - A SHORT TERM EFFECT

DEAD CAN DANCE - A PASSAGE IN TIME

THE SISTERS OF MERCY - MARIAN

GARY NUMAN/TUBEWAY ARMY - ARE 'FRIENDS' ELECTRIC ?

TRISOMIE 21 - MEMORIES

THE CASSANDRA COMPLEX - ONE MILLIONTH HAPPY CUSTOMER

WHISPERING SONS - ALONE

COLD CAVE - YOU AND ME AND INFINITY



NOTES 

Toutes les photos de Valérie Valère en noir et blanc sont de Guy Lenoir. Elles ont été extraites et scannées par moi-même à partir de l’ouvrage Valérie Valère, un seul regard m’aurait suffi (Isabelle Clerc, édition reliée France Loisirs).

La photo de Valérie Valère en couleur est de Guy Lenoir. Elle a été extraite et scannée par moi-même à partir de l’ouvrage Malika ou un jour comme tous les autres (Valérie Valère, édition reliée France Loisirs).




26 commentaires:

papi-Mormes (du site Amazon) a dit…

Valérie Valère, météore fulgurant traversant avec inquiétude la fin d'une période faste et mettant en préface le mal-être découlant du mal-acquis par ces années là, en une banale évidence qui deviendra notre mal-vivre actuel.
Merci du souvenir de Valérie et d'en parler si bien.

Rockin a dit…

bel article Christian et bel hommage, t'es fort quand même , tu as réussit à caser Joy Division...

Christian Larcheron a dit…

Merci à vous deux.

A Rockin : oui, à défaut de trouver le courage pour écrire des chroniques détaillées et approfondies sur Joy D (trop émotionnel pour que cela soit facile à faire pour le moment), j'essaye de les caser le plus souvent possible, dès que je peux.

A propos de Valérie Valère je crois que j'ai réussi la plus complète et détaillée des chroniques qu'on peut trouver sur le Web, à ce jour, sur elle. Elle méritait bien cet humble hommage.

A + !

didiegodelavega a dit…

Sublime! je ne vais pas en faire des pages (ça serait trop polluant après ta chronique & les écrits de VV!)...mais tu m'as donné envie de relire tous ses bouquins (que j'ai encore ds ma bibliothèque, en poche élimés à force d'être parcourus^^)et perso, ce sont plutôt les Clash! et qu'est-ce qu'elle était belle...

Christian Larcheron a dit…

En me disant que je t'avais donné envie de relire Valérie Valère tu ne pouvais me faire un meilleur compliment ! Merci d'avoir apprécié ma chronique qui m'a demandé beaucoup d'énergie, très émotionnelle, et qui reste l'une de celles que je préfère sur ce blog...

La Pomme a dit…

Bonsoir, je ne suis pas tombée sur ce blog par hasard... Belle chronique, en effet. Je recherche "Eleonore" en occasion, si quelqu'un souhaite s'en séparer...

Christian Larcheron a dit…

Bonjour La Pomme, merci du passage sur mon site. Le livre Éléonore est effectivement très dur à trouver, ayant été édité il y a plus de dix ans, et pas réédité depuis. Au 26/03/2012 il est disponible en occasion sur Amazon.fr, mais il faut pour l’acquérir un grand pouvoir d'achat puisqu'il est vendu par EliteDigital au prix de 154,95 euros (expédié de New-York) !

Anonyme a dit…

https://www.facebook.com/ValerieValereUneEtoileFilante?ref=hl

Rejoins nous, pour Valérie.

Bistouflysssss

Sacha a dit…

Quel bel article...

J'ai été bouleverser par ses textes et son histoire, et je suis actuellement en train de tout relire également...

Je m'attaque également à un projet ambitieux, l'adaptation théâtrale de sa biographie pour mon diplôme du Conservatoire, qui devrait être jouer en juin 2014.

Oui, on ne l'oublie pas et nous continuons à parler d'elle...

Christian Larcheron a dit…

Merci du passage et de ta proposition "Bistouflysssss", mais je ne peux vous rejoindre sur Facebook vu que je n'y suis pas inscrit (et ne tiens d'ailleurs pas à l'être, vu que je n'apprécie pas du tout cette plateforme créée par un arriviste notoire). Mais bonne continuation pour ton projet.

Merci pour le compliment Sacha, et bienvenue sur mon blog. D'après ce que vous me dites à propos de votre diplôme, j'en déduis que vous ne devez pas avoir plus de 30 ans. C'est un plaisir de voir que les jeunes générations s’intéressent encore spontanément à Valérie Valère, preuve que son oeuvre est majeure et universelle.

N'hésitez pas à revenir ici nous parler en détail de votre projet, notamment lorsqu'il sera finalisé et joué.

Unknown a dit…

je rachetais justement ce matin Le Pavillon des Enfants Fous à un bouquiniste sur une placette de Charentes... livre perdu depuis tant d'années
Valérie, mon aînée de trois ans, me fascinait et j'ai vu cette émission télévisée de Pivot. elle m'émouvait, son écriture exprimait mon mal être adolescent, elle était un peu comme une sœur.
mon doux ami Jean-Pierre Penaguin, de passage sur vos articles musicaux, m'a tout de suite envoyée votre lien.
j'apprends que Valérie est toujours là, que d'autres ouvrages ont été publiés et que j'ignorais, bref que sa courte vie ne s'est pas totalement arrêtée ce 17 décembre libérateur...
Je ne pouvais passer ici sans vous saluer et vous remercier.

Christian Larcheron a dit…

Merci pour votre émouvant message. En effet, le pavillon des enfants fous cristallise bien le mal être adolescent que beaucoup de gens ressentent dans cette période incertaine de transition. Dès son deuxième livre avec le roman Malika, Valérie arrive à dépasser ce premier thème pour dépeindre un univers qui n'appartient qu'à elle, même s'il traite encore en partie de jeunes (frère et sœur) qui sont au cœur de la vie comme dans un îlot les séparant du monde des adultes. Monde qu'elle dépeindra totalement dans ses œuvres suivantes, avec toujours plus d'acidité et de répulsion, à l'image de son personnage Gene, le héros d'Obsession blanche. Ouvrage que je considère comme son meilleur, car il traite notamment de la création et de son tarissement éventuel.

A bientôt sur mon blog. Amicalement.

Jean a dit…

Merci beaucoup pour cet article, je pense qu'il doit être la plus complète sur Internet.

Juste à ce site entièrement dédié à Valérie Je pense qu'il ya quelques nouveaux détails:

http://www.lascartasdelavida.com/livres_valerie_valere/

Christian Larcheron a dit…

Merci du passage Jean. Oui, je connais le site sur Valérie Valère que vous citez. C'est la reprise par un internaute espagnol du site de Najia Senous, une jeune fille qui l'a brusquement abandonné en 2003 tout en ne donnant plus de ses nouvelles. On se demandait ce qu'elle était devenue, mais en 2013 elle a repris le chemin d'Internet via son blog lisible à cette adresse : http://www.petitenajia.com/

Patricia a dit…

Écrit sensible, qui me plait beaucoup. Beau travail de mise en forme, je suis touchée de vos choix de musique et des goûts de Valérie, j'écoutais les mêmes musiques au même âge. Il est advenu que j'ai survécu, quand elle n'a pas trouvé l'ami qui ferait entrer une peu de lumière dans le puits noir de cette époque, la fin d'un rêve sociétal, et ce monde faux, dont on cherche à s'échapper.
Je suis d'autant touchée par ce que vous avez réuni autour de l'écrivain , née un an après mon arrivée maudite sur cette terre (et vous semblez, vous même être de cette génération ), que nous avons évolué dans ce monde, passé d'un rigorisme laissant peu de place à l'enfant en tant qu'être, à un monde où tout semble permis, un grand magasin présentant les collections de Noël.
Je ne vais pas m'étendre sur ma propre vie ou non-vie, A mes dix-sept ans je pensais ne pas tenir plus que 22 ans. Je suis là par chance ou malchance.

Pour une petite fille malaimée, La mère de cette époque, répétiteuse froide de la morale, n'aimant pas, ne confirmant pas son enfant comme un être aimé, porté, soutenu, sensible..., c'est une vie sans vie, un enfant éternellement seul, qui même survivant gardera les cicatrices ouvertes de ses blessures.
j'ai vécu. Je voulais donner la vie, la faire grandir, et je l'ai fait, à mon demi-siècle, j'écris pour prolonger mon obligation de vivre, encore et encore.

Valérie Valère, l'écrivain, n'a pas eu cette fenêtre ouverte. Le flirt avec la mort, la fin, est une partie de dé. Parfois on s'en sort, et cela donne quelques raisons d'apprécier le soleil qui pointe dehors, parfois le combat amène un noir définitif.
A nous qui l'évoquons, c'est toujours la douleur des vivants, Nous pleurons de ne pas avoir pu être là, un petit bisou maternel sur le front, des regards échangés, mains dans les mains, frontalement, pour faire entrer cette lueur d'amour inconditionnel, que seule une mère ou un être aimant pouvait lui apporter.
Les réseaux sociaux de maintenant sont ce qu'on en fait. Parfois une amie, un ami virtuel a besoin d'une petite lumière au fond du puits.
Au moins, que cette petite fille éternelle nous serve à ouvrir les yeux, et apporter notre petite étincelle de vie à qui en manque cruellement.
Sur le fil de la corde raide, il suffit d'une bricole, comme une ombrelle, pour ne pas perdre la vie.
Dans le monde que nous disons réel, par opposition, mais l'est il plus? , la main posée ne dois pas s'arrêter au tabou, à la peur d'entrer en communication, de se fondre en l'être triste, de suppléer la laideur de certains parents goujats.
Patricia.

Christian Larcheron a dit…

Merci pour votre ressenti et votre émouvant témoignage. Le hasard fait que je vous réponds en ce 1er novembre qui finit, soit le jour de l’anniversaire de Valérie Valère qui aurait eu 54 ans aujourd’hui.

Il semble apparemment que vous avez souffert dans votre vie, à l’instar de Valérie, bien qu’ayant trouvé sur cette Terre la chaleur humaine suffisante pour ne pas subir son funeste destin, et c’est heureux. L’absence d’amour infligée à certains enfants victimes de parents égoïstes, ou simplement démunis, handicapés dans leur humanité, est une tragédie qui se répercute parfois de générations en générations. Pour ma part j’ai eu au contraire la chance d’avoir une mère aimante, bien que parfois très (trop) étouffante, situation qui compensait le manque de tendresse venant de mon père (mais son vécu, notamment dans l’enfance, expliquait un tel comportement, si bien que je ne lui en tiens nuls griefs). Comme je l’ai rappelé dans mon article, et comme vous l’avez vous-même souligné, ce puits noir dans lequel est tombée Valérie correspond aussi à la fin d’un rêve sociétal lié à l’époque des « trente glorieuses », période heureuse de notre pays à laquelle je tiens beaucoup et dont j’ai vécu les dernières années en tant qu’enfant et adolescent (c’est l'une des thématiques de ce blog). Ce changement tragique explique bien des choses lorsqu’on comprend qu’il ne fut pas un accident de l’histoire ni une fatalité inhérente au temps qui passe, mais bien une volonté politique voulue par nos « élites » oligarchiques néolibérales désireuses de changer la nature sociétale de notre pays pour mieux nous transformer en individus coupés de leurs racines et de leurs traditions, futurs consommateurs déshumanisés, dociles, sans foi ni loi, victimes d’une mutation artificielle entraînant notamment cette perte de responsabilité des parents vis-à-vis de leur progéniture. J’ai essayé de rappeler la logique de ce processus dans un long article où j’étaye mes arguments dans une synthèse que se veut apolitique (car je ne roule pour aucun parti, rejetant en bloc l’ensemble de l’échiquier politique de la France, sans exceptions). Je vous invite à le lire, si ce n’est déjà fait, via le lien ci-dessous. Bien amicalement.

http://unesecondeetleternite.blogspot.fr/2013/07/cetait-mieux-avant-petit-etat-des-lieux.html

de KERDREL Emmanuel a dit…

Très bien votre article. Remarquable même. J'étais devant mon poste ce fameux jour de 1979, complètement accroc à Pivot. Je n'avais pas gardé souvenir des différents protagonistes, juste Katherine Pancol était restée dans mon esprit parce qu'après elle a disparu pour resurgir d'une façon manifeste comme on le sait. Mais je n'avais rien lu. Non, c'était Valérie que j'avais lue. Non dévorée. J'étais tellement flippé moi aussi à l'époque et je m'étais reconnu totalement dans cette soeur. Elle m'a accompagné toutes ces années. J'ai relu "Le pavillon des enfants fous" cette semaine. Evidemment, je suis devenu un vieux bonhomme maintenant et les choses ont changé. En partie, seulement, je demeure toujours cet être à part, étrange, fou de littérature et d'écriture. Toujours sur le fil. Comme Rimbaud, James Dean et tant d'autres, Valérie est au firmament des étoiles qui nous guident, bien malgré elle, vers notre destin.

Christian Larcheron a dit…

Merci Emmanuel pour votre passage sur ce blog et pour votre touchant témoignage. Il semble certain que Valérie, via son oeuvre mais aussi par son tragique parcours terrestre, a marqué bien plus de gens qu'on ne le pense.

Unknown a dit…

Excellent hommage et superbe bande son. Sûr que Valérie aurait trouvé un peu de son univers dans les sons de la darkwave des années 80-90, je pense notamment à Marian des Sisters. RIP

Christian Larcheron a dit…

Oui effectivement elle aurait sans doute adhéré à ces musiques qui furent uniques dans l'histoire du rock, de purs joyaux noirs qui ont gardé toute leur beauté, leur étrangeté, et leur pertinence malgré le temps qui passe. Merci pour votre passage sur ce blog.

Unknown a dit…

Bonjour,
je découvre Valérie Valère en "tombant" par hazard sur votre blog.
Magnifique hommage rendu à Valérie Valére; sa vie est impressionnante et fulgurante. Cela m'a énormément touchée. Merci beaucoup.

MEZIANA

Christian Larcheron a dit…

Bonjour et merci pour votre passage. Je suis heureux d'avoir contribué à vous faire connaitre cet écrivain météore.

Agathe Dumaurier a dit…

Bonsoir,
Je découvre cette auteure avec beaucoup de tristesse et d'admiration mêlées. Je suis surtout scandalisée qu'on ne trouve que très peu de documentation sur elle, alors que j'aimerais vraiment approfondir cette connaissance. Je voudrais en savoir plus sur elle, sur sa famille, ses parents honnis et ce frère mystérieux. Comme l'œuvre est très autobiographique, cela permettrait peut-être de mieux comprendre, comme on accède mieux à Rimbaud en connaissant son histoire, très documentée, elle, par contre. Je suis aussi fâchée de ne voir apparaître aucune étude, aucun article analysant la superbe "Obsession Blanche", que je viens de lire, de même que l'écriture hypnotique et furieuse du "Pavillon des enfants fous" (Il me reste Malika à lire...")
Bref, il ne fait toujours pas bon être une fille en littérature...
En tout cas, merci pour votre article !

Christian Larcheron a dit…

Bonjour et merci pour votre passage. Je comprends votre désarroi alors que vous êtes en train de découvrir les livres de Valérie Valère, avide d'informations, cependant la situation actuelle est quand même plus positive qu'avant l’ère d'Internet où nous avions vraiment du mal à avoir des infos (je vous parle d'un temps datant de plusieurs décennies). Grâce au Net vous pouvez trouver tout un tas de choses assez facilement, et l'INA donne la possibilité aujourd'hui de posséder pour pas cher des documents vidéos introuvables auparavant et que nous rêvions de posséder, chose qui paraissait totalement impossible (l’émission d'Apostrophe, mais aussi le téléfilm de Guy Jorré où joue Valérie. En attendant peut-être le court-métrage de Marion Hansel "Équilibres"). Hormis le long article de mon blog, plusieurs sites sur Valérie existent, et si vous voulez en savoir plus sur le mystérieux frère de Valérie (cela m'a aussi intrigué à l’époque) je vous conseille d'aller voir le site Facebook d'une passionnée qui était d'ailleurs passée ici il y a cinq ans (remontez le fil des commentaires au 19 août 2012) et qui a eu le culot de retrouver ce frère qui l'a d'ailleurs accueillie fort amicalement. Ils ont sympathisé, et je crois qu'il y a un projet de livre ensemble. Cette internaute a posté de nombreuses photos de cette rencontre sur sa page, ainsi que celles de divers pèlerinages sur les lieux ayant un lien avec l'histoire de Valérie. Vous pourrez donc voir à quoi ressemble le frère de Valérie Valère, et peut-être trouverez vous même un moyen de le contacter, si vous avez aussi Facebook. Voici le lien ci-dessous :

https://www.facebook.com/ValerieValereUneEtoileFilante?ref=hl

Tenez-moi au courant au cas où. À bientôt.

MOONBEAM a dit…

Suite au prêt du pavillon des enfants fous par une amie, j'ai enfin pu lire ces pages, véritable cri dans le néant d'une âme qui ne se sentait pas de ce monde. Après 10 ans d'une lâche et inerte attente (je connaissais l'auteur et son oeuvre depuis mon adolescence sans avoir osé franchir la couverture du livre) et comme tremblante à chaque page, je fus stupéfaite d'y reconnaître sans cesse ces expériences renouvelées que mon amie et moi avons subies dans le milieu hospitalier, qui n'a pas tellement changé. Je vous remercie pour cette biographie très complète qui nous laisse entrevoir cette funambule tout en nuances de noir et blanc, votre travail est admirable !
Si le coeur vous en dit, j'avais moi même un blog à l'adolescence (comme tout le monde...) et j'y ai remisé entre autre des poésies. Ne faites pas attention aux articles de présentation qui reprennent régulièrement les codes de l'époque, j'en tire encore ma plus grande honte !
https://moonbeam.skyrock.fm/

Encore merci pour votre travail si complet.

Anonyme a dit…


C’est un bel hommage, à une très jeune femme qui a marqué nos mémoires.