dimanche 6 mai 2012

En ce jour d'élection d'où jaillira notre nouveau président, patientons avec Michel Audiard et son film VIVE LA FRANCE qui nous rappelle d'où l'on vient, et où l'on va... !




Vive la France est le 9ème et avant-dernier film de Michel Audiard en tant qu’auteur et réalisateur (si l’on compte comme premier opus le court-métrage La marche réalisé en 1951, présent en bonus dans le DVD de son premier long-métrage totalement ovniesque Faut pas prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages). Contrairement aux précédents, Vive la France n’est pas un film de fiction, mais un documentaire fait de montages d’images d’archives. Un travail harassant dont le projet datait de plusieurs années et qui lui demanda deux ans d’efforts, non sans embuches majeures : en effet, l’ORTF refusa à Audiard l’autorisation de consulter et d’utiliser la multitude de documents qui était en sa possession. Difficile de ne pas voir dans ce refus brutal la décision sournoise du gouvernement étriqué de l’époque dont l’Office de Radiodiffusion-Télévision Française dépendait concrètement. Ce fut un mal pour un bien. Car Audiard se tourna finalement, et sans difficultés cette fois, sur les archives anglaises, et surtout sur celles de la Gaumont qui se révélèrent plus riches, de meilleure qualité technique, et remontant bien plus loin dans le temps.  

Féru d’histoire de France, notre gouailleur irremplaçable nourrissait le désir de revisiter différents faits majeurs ou plus légers qui ont contribué, pour le meilleur ou pour le pire, à faire de ce pays ce qu’il est. A la manière d’un pamphlet souvent cynique. Insolent esprit libre, antiparlementariste, l’auteur se délecta à égratigner nos états-majors et gouvernements successifs, et ne se priva pas de dire subtilement tout le ridicule que lui inspirait notre maître à tous (enfin, à beaucoup d’entre nous apparemment, mais pas à moi), j’ai nommé le général de Gaulle. Il ne passa pas non plus sous silence les caractéristiques parfois un peu grotesques du français moyen et de certaines institutions de la république, mais se faisant, ne se départit jamais de son humour corrosif et de sa verve légendaire qui fit le succès de tant de films inscrits pour toujours dans notre patrimoine cinématographique. Fait notable, le drolatique texte de Vive la France est dit par l’auteur lui-même, élément indispensable qui rajoute à la truculence de l’ensemble, tant la voix d'Audiard est cocasse et reconnaissable entre mille. Certaines références évoquées sont assez pointues et nécessiteront pour certains une recherche approfondie dans les dictionnaires, ce qui n’est pas la moindre des qualités du film. A noter que Vive la France est disponible en DVD et à prix modique chez Opening dans une copie assez belle, avec une présentation du film par Philipe Durant, le biographe d’Audiard. Pour l’impatient et le près-de-ses-sous, voilà ci-dessous en fin d'article le film dans son intégralité.

                          
QUELQUES EXTRAITS CHOISIS : « 1804, la démocratie est morte, Bonaparte devient Napoléon. Marianne a connu dans les bras du soudard des vertiges qui excitent encore les enfants des écoles. 1815, un p’tit tour de démocratie ! Nous voulons dire : la monarchie. Mais ne voilà t-il pas un fragrant militaire ? C’est le con ! Appelé on se demande encore pourquoi : Napoléon III. Désormais le pouvoir en France n’appartiendra plus qu’aux militaires qui ne perdent les guerres que pour organiser les défaites. Mac Mahon général-président, le premier de la liste… Et hop, un p’tit tour de démocratie !

(…) Heureusement pour les militaires il y a toujours des escrocs chez les civils, et finalement les amants de Marianne se circonscrivent entre les imbéciles et les escrocs. Stavisky n’appartient évidemment pas à la première catégorie. Cette dernière se retrouve en grand complet le 6 février dans une mêlée plus cafouilleuse que concluante. La droite espérait un dur, la gauche espérait un mou, et comme toujours à ce genre de loterie, c’est le zéro qui sort… Et hop, encore un p’tit tour de démocratie !

Mais on a beau traîner des jambes de bois, coiffer des bérets basque et astiquer des baudriers, Marianne prend tout ce beau monde pour des petits soldats et regrette ses vrais militaires. Même l’agglomérat de Fantômas et de Belphégor appelé La Cagoule ne ressuscite pas les frissons d’antan. A défaut d’amant musclé elle flirte avec Léon Blum. C’est le front popu.

On pourrait croire les militaires en congés. Ce serait mal connaitre Marianne et ses amours de cantinière. Cuisses légères mais bon cœur c’est dans les périodes de désarmement qu’elle renforce son état-major. Exemple :  en 1885, le nombre de nos soldats prêts à entrer en campagne s’élevait à 4.000.000. En revanche le nombre d’officiers généraux rescapés du Mexique, de Sedan et de Reichshoffen n’était que de 62. En 1938, la veille de la seconde guerre mondiale, les choses allaient déjà beaucoup mieux : soldats… 2. 000.000, officiers généraux… 736. Et maintenant, un peu de prospective. Si l’évolution actuelle persiste il n’est pas interdit d’espérer que nous possédions en 1997 : 176.246 généraux pour un seul homme de troupe. Un seul homme de troupe, nous insistons sur ce point ! En cas de guerre, si notre unique soldat est tué, nous saurons au moins de qui il s’agit. Car jusqu’alors le désordre était tel que lorsqu'un enfant de la patrie se faisait tuer pour elle, on savait si peu de choses sur lui qu’on en était réduit à l’appeler : l’inconnu.

(…) Les statuaires héroïques vont connaitre une période de chômage. En effet, ayant pris l’excellente habitude de se carapater au premier coup de canon, le soldat français est en phase de devenir le premier soldat immortel, et partant le plus intelligent. Le fameux « Mourir sur place plutôt que de reculer ! » a fait place au non moins fameux « Sauve qui peut ! ». Le soldat français semble avoir compris qu’il ne faut pas prendre de taxis à la légère, et se méfie des tigres qui se réveillent dans le moteur. Car le grifton, lui, ne se réveille pas toujours. » 


VIVE LA FRANCE
Réalisation : Michel Audiard
Documentaire
Texte dit par Michel Audiard
Scénario : Michel Audiard avec la collaboration de Henri Viard
Photographie : Gilles Arnaud
Montage : Michelle David, Claude Durand, Jacqueline Thiedot
Recherches et documentation : Jean-Claude Sussfeld
Musique : Eddie Vartan
Illustrations : Siné
France
Durée : 1H12mn 
Sortie cinéma le 18 septembre 1974
Disponible en DVD zone 2 depuis janvier 2011


VIVE LA FRANCE - FILM DE MICHEL AUDIARD


Aucun commentaire: