lundi 24 décembre 2012

Deux petites perles musicales prog et pop à la thématique enchanteresse de Noël : Emerson, Lake and Palmer avec I believe in Father Christmas et Sufjan Stevens avec That was the worst Christmas ever !


Que n’a-t-on pas dit à propos du trio Emerson, Lake and Palmer ! Ultra virtuoses, égos surdimensionnés, démarche pompeuse, prestations scéniques parfois ridicules de Keith Emerson (suspendu dans les airs à un piano rotatif en plein charivari), l’emblématique groupe de musique progressive, se partageant les lauriers de la gloire avec ses concurrents de l’époque (les immenses Yes, Genesis ou King Crimson pour ne citer qu'eux), ne fut pas épargné par les professionnels les plus acerbes de la critique. Qui ne leur pardonnaient pas de mêler influences savantes, symphoniques et expérimentales à leur musique, tout en délaissant délibérément les fondamentaux du rock : le blues, le rhythm 'n' blues, et la musique noire en général (mis à part le jazz dans quelques cas très rares, dont l'influence timide et temporaire se faisait parfois entendre chez certains groupes, exceptions qui, selon le fameux adage, confirment la règle). Ce procès en illégitimité rock intenté à ELP en particulier et aux groupes de prog en général ne me gênait nullement à l'époque, il est même devenu pour moi une bénédiction étant donné que le rock stricto sensu et son cortège de futilités liées à la danse, à la fête et à la débauche (racines noires obligent) ne m'a finalement jamais intéressé, ayant toujours été attiré par une approche transcendante et non frivole de la musique. La cérébralité du prog à l'opposé de la puérilité du rock avait donc tout pour me plaire. ELP était pourtant singulièrement le seul groupe progressif qui, contrairement à tous ses autres concurrents, s'amusait parfois avec ces fondamentaux du rock : le Blues variation de Pictures at an exhibition, le Nutrocker à la fin du même disque, le rock'n'roll très fifties de Are you ready Eddy ? à la fin du deuxième album Tarkus, et puis, bien entendu, dans ce disque même, d'où est extraite la chanson de Noël qui nous intéresse, l'album Works volume 2, où l'on retrouve quelques amusements rythmomachintrucs tels Bullfrog, Barbellhouse shake-down, le ragtime Maple Leaf Rag ou encore le blues dansant Honky tonk blues. On serait bien en peine de trouver de telles babioles chez Yes ou encore Genesis, et c'est d'ailleurs heureux, bien que ces friandises de ELP restent agréables à l'écoute.

KEITH EMERSON, GREG LAKE ET CARL PALMER
Donc, malgré cette illégitimité dénoncée par des journalistes rock  branchés dont nous n'avons finalement rien à faire,  et malgré cette virtuosité intrinsèque au groupe perçue par les mêmes comme une faute lourde (ah!, l'odieuse plaisanterie !), le combo de Keith Emerson disposait quand même d’un atout de taille qui mettait au final tout le monde d'accord: la présence du guitariste, bassiste et chanteur Greg Lake, grand mélodiste devant l’éternel, et dont la voix tutoyait souvent les anges. Grâce à son talent de compositeur et son goût pour le folk, les disques d’ELP furent parsemés de quelques chansons parmi les plus belles de la musique populaire contemporaine, à l’image de l’emblématique From the beginning (de leur intense quatrième et meilleur album Trilogy), Still... you turn me on (issu de Brain Salad Surgery), la ballade entrainante Lucky man (de leur premier album éponyme), ou encore le très pop All I want is you (du très sous-estimé Love Beach). J’aurais tendance à classer le morceau qui nous occupe au sommet de ces dernières.

Lorsque Greg Lake compose I believe in father Christmas en 1974, le groupe n’est pas loin de la rupture. Il a entamé une pause (qui durera trois ans) après avoir accumulé moults concerts dantesques mais épuisants suite à une poignée d'albums novateurs et inspirés qui ne tarderont pas à devenir des classiques vendus à des millions d'exemplaires (le frénétique Tarkus en 1971, l'émouvant et puissant Trilogy en 1972 - chef-d'œuvre absolu -, et le cérébral Brain salad surgery en 1973). Dans un premier temps, la chanson sort en format single 45 tours au mois de novembre 1975 et devient un succès important pour Greg Lake, se classant n°2 des charts anglais pour les fêtes de Noël. Puis elle sera réenregistrée en 1977 par le trio à nouveau réuni qui, lucide, décida d'opter pour la sobriété en renonçant aux chœurs de la première version qui amenaient une touche inutilement pompeuse à l'œuvre. Et logiquement insérée dans ce Works volume 2 d'anthologieune collection un peu foutraque de single et de morceaux laissés de côté - faute de place - lors des sessions des albums précédents : Brain salad surgery, et le boursouflé Works volume 1. Ce dernier, double vinyle à la pochette sobre toute de noir vêtue, était voulu par le trio comme une sorte de bilan emblématique du groupe, mais il s'avéra indigeste et prétentieux pour beaucoup, avec une face réservée à chaque musicien pour jouer ses propres compositions : sur la face A un concerto pour piano d'Emerson, dont on se demande encore quelle est sa pertinence dans la carrière du trio, sur la B des ballades acoustiques de Lake étrangement toutes décevantes, sur la C quelques essais instrumentaux plus ou moins aboutis de Palmer, et sur la D les retrouvailles du trio pour deux pièces là aussi très dispensables, le dérisoire Fanfare for the common man, et le soporifique Pirates. Finalement, des deux Works, c'est le volume 2 qui de loin emporte la mise, même s'il est une simple compilation d'excellents morceaux inédits un temps délaissés, face au stérile volume 1 qui, bien que conçu en tant qu'album à part entière, échoue sur toute la ligne.

C’est donc la version de I believe in father Christmas issue du Works volume 2 que je propose ci-dessous, la plus belle. Une petite merveille à savourer, portant en son sein une réjouissante mélodie tirée de La Troïka de Prokofiev. Une chanson de Noël est souvent un exercice de style obligé pour beaucoup de compositeurs, un défi que Greg Lake releva avec bonheur.










I BELIEVE IN FATHER CHRISTMAS - GREG LAKE/ELP



L’émouvante chanson de Noël That was the worst Christmas ever ! qui vient clore en douceur cette chronique saisonnière est tirée du coffret 5 disques Songs for Christmas de Sufjan Stevens. En décembre 2006 ce singulier musicien compilait les 42 morceaux de Noël qu’il avait écrits depuis 2001 principalement pour offrir à ses proches. On ne peut que saluer ce projet original riche en émotions et souvenirs d’enfance qui ne fut certainement pas si facile à finaliser. That was the worst Christmas ever ! est à mon avis la meilleure du coffret.

SUFJAN STEVENS

SUFJAN STEVENS - THAT WAS THE WORST CHRISTMAS EVER !




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